Gagner au Loto, c'est impossible? Au contraire, certains remportent même deux fois le gros lot, comme ce joueur qui a récemment encaissé un chèque de la Française des jeux de 3 millions d'euros pour la seconde fois de sa vie. Gerard (nom de fantasie), lui, n'a gagné qu'une fois. Mais, devenu riche, il continue à jouer. Il témoigne.
Je m'en souviens comme si c'était hier. J'ai gagné le gros lot il y a pile cinq ans et demi. C'était un mardi. Le 14 février 2006, le jour de la Saint-Valentin. J'avais 36 ans. J'étais séparé de la mère de mon fils et celui-ci dormait à la maison ce soir-là. On est allés au café du coin, qui vendait aussi des journaux. Je lui ai acheté une petite voiture et, moi, je me suis cherché un magazine. Il n'y avait pas celui que je voulais, alors, à la place, j'ai tenté un Loto Flash. J'ai misé 10 euros. Juste comme ça, je ne jouais jamais.
Le lendemain, je repasse devant le café. Il y a une pancarte énorme : "Ici, on a gagné 7 millions d'euros." Je rentre, je passe mon ticket dans la machine et, oui, je suis le gagnant de la supercagnotte. J'ai passé un quart d'heure sans bouger. Le patron, que je connaissais un peu, a sorti le champagne. Il n'arrêtait pas de me parler, je ne l'écoutais pas, mais il ressassait en boucle. Il pianotait sur sa calculatrice et disait : "Si tu places bien ton argent, ça va te faire du 15 000 à 20 000 euros par mois sans rien faire." Il était surexcité. Et moi, j'étais ailleurs, complètement amorphe.
J'ai appelé la Française des jeux et on m'a donné rendez-vous à Paris quatre jours plus tard. Quatre jours d'angoisse ! Car on t'explique calmement que le chèque est remis au porteur du ticket gagnant. Si tu le perds, c'est dommage pour toi... Alors, tu ne penses qu'à ça, à ne pas le perdre. Je ne suis pas sorti de chez moi pendant quatre jours et je n'ai pas dormi non plus. Je gambergeais comme un malade.
Est-ce un rêve ou la réalité ? Qu'est-ce que je vais faire de ce pactole ? À qui je dois le dire ? Le plus génial, c'est que cet argent m'est tombé dessus à un moment où j'étais vraiment dans la m... J'ai un CAP de tourneur-fraiseur, mais le boulot à l'usine, ça n'a jamais été mon truc. Alors, j'ai fait plein de métiers différents : crêperies, restaurants de plage, pizzerias. Quelques mois auparavant, je m'étais mis à mon compte et lancé dans la fringue. Ça ne marchait pas du tout. J'étais en dépôt de bilan, à deux doigts d'être interdit bancaire.
Le lundi suivant, j'ai enfin récupéré mon chèque. Et là, je me suis dit : "Tu as 7 millions d'euros, tu vas claquer 1 million tout de suite." Comme ça, pour le plaisir. J'ai commencé par déménager, aussi sec. Pas question de rester dans ce quartier alors que les gens me regardaient comme le "gars qui a gagné le gros lot". Trop dangereux. Je me suis acheté une maison de 400 mètres carrés à l'autre bout de la ville**. Et puis, il a fallu la meubler... Mais je voulais vraiment de belles choses.
J'ai foncé en Italie, le royaume du design. J'ai passé une semaine dans un palace de Milan avec ma fiancée pour sélectionner mon canapé en cuir fait sur mesure. Dans les grands hôtels, je n'étais pas trop à l'aise. Je me déguisais en superriche : je déambulais en costard-cravate, je cachais mes tatouages sous des chemises à manches longues, alors que je ne suis bien qu'en jean et baskets. Et puis, j'ai découvert que les très riches sont souvent habillés n'importe comment...
J'ai fini par trouver le canapé de mes rêves à un prix totalement indécent. Après, on est allés à Monaco. On a regardé les yachts, c'était trop cher. Mais je me suis fait plaisir avec un billard français fabriqué aux dimensions de mon salon. Je dépensais à peu près 10 000 euros par semaine. On a écumé les restaurants trois-étoiles. On passait quatre heures à table, en goûtant des vins inoubliables. J'ai pris 4 kilos en deux mois !
Après mon gain, j'ai rencontré d'autres "grands gagnants" par l'intermédiaire de la Française des jeux. Ils sont nombreux à ne rien dire à personne et à ne rien dépenser. Ils ont peur du qu'en-dira-t-on. Moi, je leur dis: si vous avez envie de changer de femme, de bagnole, de maison, faites-le. Sinon, à quoi ça sert de jouer au Loto ? Personnellement, j'ai joué, j'ai gagné, j'en profite. La moto, c'est ma passion.
Avant de gagner, je roulais très vite avec une sportive. Je m'en suis séparé, je me suis acheté trois Harley-Davidson et j'ai ralenti l'allure. Je pensais que ça serait trop con de mourir maintenant ! Ah oui, je me suis aussi offert une Audi Q7. Avec le recul, ça faisait trop frimeur. Je l'ai revendue, je roule en Aston Martin.
J'ai bien rigolé avec les banquiers, aussi. J'étais client de BNP Paribas et ils me faisaient la vie dure. Quand j'ai gagné au Loto, ils ont radicalement changé d'attitude. Ah, ah, mais je les ai lâchés pour un concurrent, mon chèque sous le bras. Trois mois après, ils m'ont rappelé pour tenter de me récupérer. Ils me draguaient à mort. Ça m'a bien fait rire. Ils m'ont invité quatre jours à Paris, tous frais payés, pour assister en loge à des matchs à Roland-Garros (quart de finale, demi-finale, finale).
Ils m'ont sorti le grand jeu, digne des super-VIP, j'ai même déjeuné avec Yannick Noah. Mais j'ai choisi de placer mon magot dans une autre banque, qui m'a invité à l'Opéra alors que je déteste ça ! Je gagne 12 000 euros par mois sans toucher à mon capital. J'ai pas mal investi dans l'immobilier. J'ai aussi monté une épicerie italienne, où je passe quelques heures tous les jours. Je dois continuer à travailler. Qu'est-ce que je raconterais à mes proches si je passais toute la journée en pyjama à regarder des DVD ?
Quand on est riche, le risque, c'est de se retrouver tout seul... Quand on gagne au Loto, de toute façon, le rapport aux autres change. Et ça, on ne peut rien y faire. C'est pour cela que je n'ai rien dit à mon gamin. Il pense que mes affaires marchent bien. Comment lui expliquer qu'il faut travailler en classe, sinon ? Je l'ai dit à mes parents, à mes frères et soeurs et à quelques amis. J'ai remboursé les emprunts immobiliers de mes frères et soeurs. Après, des potes, tu en perds forcément.
Certains me demandaient sans cesse de l'argent. Mais j'ai réussi à garder mes meilleurs amis. Je ne leur ai pas donné d'argent, mais je leur ai offert à chacun une moto et je me suis parfois porté caution pour leur maison. Au début, ils avaient des complexes à m'inviter manger une pizza avec une bière, juste comme avant. Mais, moi, je m'en fous. Je n'ai pas changé. Et puis, je ne vais pas me goinfrer de caviar matin, midi et soir ! Ce qui m'importe, c'est d'être avec eux.
Avec mon père, c'est compliqué. C'est un ancien ouvrier à la retraite, et il a mal pris ma richesse soudaine. Il me dit toujours : "Mais qu'est-ce que tu as encore acheté là ! "Ça lui fait peur, ça l'énerve, il ne comprend pas. Je lui ai proposé de refaire sa maison, de lui payer un voyage, il a tout refusé. Quelques mois après mon gain, je me suis séparé de ma copine. J'ai aujourd'hui une fiancée dont je suis très amoureux. Mais, avec les filles, la richesse complique les choses. Je me demandais : est-elle avec moi pour mon argent ? Souvent, lors des premiers rendez-vous, je ne viens pas avec ma voiture perso et je ne les emmène pas dans ma maison, mais dans le studio d'un pote. Ça permet de se faire une idée...
En fait, le seul truc négatif de cette chance qui m'est tombée dessus, c'est que tu es obligé de mentir tout le temps à tout le monde.