C'est la
stratégie mondialiste. La peur est visiblement la seule étant susceptible de
faire accepter aux gens ce qu'ils n'accepteraient pas en temps normal. C'est
comme ça qu'ils nous auront.
Une pandémie majeure ferait surgir la prise de conscience de la nécessité
d'un altruisme, au moins intéressé.
L'Histoire nous apprend que l'humanité n'évolue significativement que
lorsqu'elle a vraiment peur : elle met alors d'abord en place des mécanismes de
défense ; parfois intolérables (des boucs émissaires et des totalitarismes) ;
parfois futiles (de la distraction) ; parfois efficaces (des thérapeutiques,
écartant si nécessaire tous les principes moraux antérieurs). Puis,
une fois la crise passée, elle transforme ces mécanismes pour les rendre
compatibles avec la liberté individuelle et les inscrire dans une politique de
santé démocratique.
La pandémie qui
commence pourrait déclencher une de ces peurs structurantes.
Si elle n'est pas
plus grave que les deux précédentes frayeurs de ces quinze dernières années
liées à un risque de pandémie (la crise de la vache folle en Grande-Bretagne et
celle de la grippe aviaire en Chine), elle aura d'abord des conséquences
économiques significatives (chute de l'activité des transports aériens, baisse
du tourisme et du prix du pétrole); elle coûtera environ 2 millions de dollars
par personne contaminée et fera baisser les marchés boursiers d'environ 15 %;
son impact sera très bref (lors de l'épisode de la grippe aviaire, le taux de
croissance chinois n'a baissé que pendant le deuxième trimestre de 2003, pour
exploser à la hausse au troisième); elle aura aussi des conséquences en matière
d'organisation (toujours en 2003, des mesures policières très rigoureuses ont
été prises dans toute l'Asie; l'Organisation mondiale de la santé a mis en
place des procédures d'alerte à l'échelle planétaire; et certains pays, en
particulier la France et le Japon, ont constitué des réserves considérables de
médicaments et de masques).
Si l'épidémie est
un peu plus grave, ce qui est possible, puisqu'elle est transmissible par
l'homme, elle aura des conséquences véritablement planétaires: économiques (les
modèles laissent à penser que cela pourrait entraîner une perte de 3 trillions
de dollars, soit une baisse de 5 % du PIB mondial) et politiques (en raison des
risques de contagion, les pays du Nord auront intérêt à ce que ceux du Sud ne
soient pas malades, et ils devront faire en sorte que les plus pauvres aient
accès aux médicaments aujourd'hui stockés pour les seuls plus riches); une
pandémie majeure fera alors surgir, mieux qu'aucun discours humanitaire ou
écologique, la prise de conscience de la nécessité d'un altruisme, au moins
intéressé.
Et, même si,
comme il faut évidemment l'espérer, cette crise n'est pas très grave, il ne
faudra pas oublier, comme pour la crise économique, d'en tirer les leçons, afin
qu'avant la prochaine - inévitable - on mette en place des mécanismes de
prévention et de contrôle, ainsi que des processus logistiques de distribution
équitable des médicaments et de vaccins. On devra, pour cela, mettre en place une police mondiale, un stockage
mondial et donc une fiscalité mondiale. On en viendra
alors, beaucoup plus vite que ne l'aurait permis la seule raison économique, à
mettre en place les bases d'un véritable gouvernement mondial. C'est d'ailleurs
par l'hôpital qu'a commencé en France, au XVIIe siècle, la mise en place d'un
véritable Etat.
En attendant, on pourrait au moins espérer la mise en oeuvre d'une véritable politique européenne sur le sujet.
Mais, là encore, comme sur tant d'autres sujets, Bruxelles est muet.